Dépression réactionnelle et somatisation anxieuse

Dans le contexte de crise sanitaire actuelle dû au Covid-19, on découvre de plus en plus chaque jour que les conséquences ne sont pas que économique et sociale mais aussi psychologique. La pandémie ne concerne plus uniquement le domaine médical mais aussi le domaine de la santé mentale. En effet dans cette réalité particulière et inhabituelle, où ce virus est propice à relever nos plus grandes peurs, les conséquences psychologiques qui ressortent des études et recherches pour l’instant sont l’apparition et la généralisation d’état de stress, d’anxiété et de dépression.

Qu’est ce que le stress ?

Avant le stress il y a la peur qui est une émotion couplée d’une réaction physiologique qui accompagne la prise de conscience d’un danger réel. Ensuite la peur peut s’accompagner de stress si la source à l’origine des stimuli est présente sur le long terme. Le stress est donc une réaction physiologique qui répond aux sollicitations de l’environnement ou d’un événement concret afin de mobiliser les ressources de l’individu pour faire face à ces situations qui provoquent de l’inquiétude. Les réactions somatiques du stress sont une tension musculaire, difficulté à respirer et une accélération du rythme cardiaque. Si l’exposition de l’individu au stress est prolongée alors il peut entrainer dans un premier temps un épuisement des ressources d’énergie et de motivation, une irritabilité ou tristesse et dans un second temps, le stress chronique peut conduire à un état d’anxiété.

Qu’est ce que l’anxiété ?

On peut considérer que l’anxiété est l’étape suivante de la peur et du stress en terme d’intensité croissante. Cependant, contrairement à la peur qui est une réaction face à un danger immédiat, l’anxiété est une réaction anticipatoire à une situation provoquant de l’inquiétude. Parce qu’elle est anticipatoire et incontrôlable, l’anxiété est un état qui a de forte tendance à la chronicisation, on parle alors de trouble anxieux généralisé (TAG). Lors d’un TAG, la personne est bloquée dans sa capacité d’action entrainant détresse et souffrance. Les manifestations symptomatiques sont une forte tension musculaire, une hypervigilance, un trouble du sommeil et une réaction physique excessive (sursauts), une irritabilité et des somatisations possibles. Il s’accompagne aussi souvent de conduites d’évitements et peut initier une crise d’angoisse informe Maria Mogileva, psychologue clinicienne.

Qu’est ce que l’angoisse ?

L’angoisse est un état plus intense où l’anxiété et le stress sont permanents. Elle peut conduire à des crises dites de panique ou d’angoisse qui renvoient à une expérience psychologique ponctuelle et déstabilisante où l’individu a été confronté à un sentiment de perte de contrôle ou l’imminence d’un danger grave. Dans la symptomatologie on retrouve une accélération du rythme cardiaque avec gène respiratoire et thoracique, une hypervigilance et une tétanie voire pour certains une impression de sortir de soi. Angoisse et anxiété peuvent se différencier mais elles peuvent aussi se compléter et s’associer ; par exemple il est possible de créer de l’anxiété en redoutant de faire une crise de panique, soit comme l’expression « avoir peur de la peur » nous dit Christophe André, psychiatre. Lorsque ces états d’inquiétude et de soucis sont constants et trop intense ils peuvent conduire à une dépression réactionnelle.

Qu’est ce que la dépression réactionnelle ?

Une dépression est dite réactionnelle lorsque l’on peut donner une cause « extérieure » soit un événement traumatique ou dû à une comorbidité, c’est à dire l’association à d’autres troubles (comme l’anxiété).

En soit, elle ne diffère pas dans la symptomatologie ni dans la définition d’une dépression « classique », cela reste un dérèglement de l’humeur, où la tristesse devient permanente et pathologique. On retrouve 3 grandes catégories de symptômes : psychiques (tristesse, anxiété et troubles cognitifs), comportementaux (ralentissement moteur, trouble du comportement, idée suicidaire) et somatiques (troubles du sommeil et de la libido, troubles digestif et cardiovasculaire). Seulement, parce qu’elle est réactionnelle, ce type de dépression est plus considérée comme un épisode dépressif aiguë et réversible qui dure généralement entre 4 à 6 mois renseigne le site de référence de la depression. 

Par contre, dans le cas où la dépression est survenue pour cause d’anxiété le risque est que le sujet développe un trouble anxio-depressif, qui est l’association des symptômes psychique de la dépression aux symptômes somatiques de l’anxiété. Il est alors important de consulter un professionnel de la santé mentale pour prévenir toutes complications.

Pourquoi le stress, l’anxiété, l’angoisse et la dépression sont ils aussi facilement liés ?

Ces troubles font partis de la catégorie des troubles psycho-somatiques c’est à dire qu’ils associent des symptômes psychiques et des plaintes somatiques (qui se traduisent dans le corps). Nous l’avons vu plus haut que le stress, l’anxiété et l’angoisse ne se différencient pas tant par leurs symptômes que par leur intensité et durée, d’ailleurs une grande partie de ces symptômes trouvent leur expression dans le corps.

Pourquoi le corps a t-il recours à la somatisation ?

La somatisation est selon Lipowski « la tendance à faire part d’une détresse somatique en réponse à un stress psycho-social ». C’est aussi une protection de l’organisme pour faire face à une trop grande tension psychologique qui se caractérise par des somatisations qui résistent à toute investigation médiale.

Cependant à l’heure actuelle, une nouvelle vague de somatisation prend forme c’est la « somatisation des coronavirus ». En effet parce que la situation de stress incessante entraine des troubles anxieux qui sont, pour 50% d’entre eux, à l’origine de somatisations, des personnes se mettent à developper des symptômes du virus tout en étant négatif au test de dépistage. Le médecin français Gilbert Tordjman, expert en maladies psychosomatiques, signale qu’en temps de crise les somatisations sont plus courantes, alors c’est pour lui à l’heure actuelle un phénomène presque inévitable. La neurologue Suzanne O’Sullivan rejoint cette théorie en prévenant que chacun de nous est susceptible de souffrir de somatisation une fois que le seuil de détresse est franchi. Par contre les experts mettent en garde, si la somatisation peut générer des douleurs et des maux de tête similaires au virus, elle ne peut « créer » de fièvre en tant que telle. Mais en cas de forte peur ou panique, d’intense rumination négative, il est possible de ressentir une « fièvre psychologique » soit un coup de chaud provoqué par un embrasement des pensées et émotions, comme un coup de chaud ou une bouffée de chaleur. D’ailleurs une doctorante en neuropsychologie au Maroc est actuellement en train de mettre en place une nouvelle échelle de mesure de la somatisation pour permettre une meilleure différenciation des symptômes Covid-19 et des somatisations anxieuses. 

En conclusion, le stress, l’anxiété et l’angoisse sont fortement liées entre elles, se différenciant subtilement par leur intensité et leur durée. Ces états s’accompagnent de symptômes physique important et handicapant souvent le quotidien, renforçant le mal être de la personne, c’est ce qu’on appelle la somatisation. La somatisation est alors le moyen d’expression de la souffrance psychologique favorisée que l’on retrouve notamment dans les troubles anxieux, troubles affectifs, troubles de la personnalité et la dépression. Toutes ces pathologies, dont on commence à prendre conscience, font partis des conséquences sur la santé mentale de la crise du Covid-19.

Sources Web :