Corps, trauma et COVID
Notre société est depuis quelques temps soumis à de grands changements, qui pour certains peuvent être source de souffrance, voire de traumatisme.
Qu’est ce qu’un traumatisme ? En Psychopathologie un traumatisme correspond à « la transmission d’un choc psychique exercé par un agent extérieur sur le psychisme, y provoquant des perturbations psychopathologiques transitoires ou définitives » définition de Crocq 2007.
Un tel choc peut survenir lorsque la personne a été témoin ou confrontée à la mort ou à la menace de mort, à des blessures graves ou une agression, à des violences sexuelles ou au risque de violences. Cet évènement, dit évènement traumatique, constitue une menace pour la vie, l’intégrité physique et/ou mentale tout en produisant une peur intense, un sentiment d’impuissance, d’horreur, de honte. Mais surtout il remet en cause les valeurs essentielles de l’existence telles que la sécurité, le respect de la vie, la paix, la morale, la solidarité, etc.
Avec tous ces éléments, peut-on dire que la crise actuelle due au Covid-19 peut être source de traumatisme ?
De nombreuses études sont menées sur le sujet, notamment par le professeur de psychiatrie Alain Brunet et une équipe de chercheurs issus de 7 grandes universités internationales. Afin de tenter d’évaluer l’impact traumatique de la crise ils ont mis en place un questionnaire en ligne disponible pour tous centré sur les émotions et ressentis durant le confinement et la situation globale. Toutefois cette étude ayant été lancée en Mai 2020, les résultats et conclusions ne sont pas encore disponible.
Si pour la situation globale nous n’avons pas encore de données précise pour définir l’impact traumatique, celui-ci est à craindre selon Chantal Danoun, psychologue clinicienne pour le réseau de santé Récup’air, pour les patients ayant été en réanimation à cause du virus. En effet, dans un article de France Assos Santé datant de Juillet 2020, elle explique que les patients sortant de réanimation ou de coma suite à l’infection au Covid-19, ont vécu de façon plus dramatique leur hospitalisation du fait de l’aggravation rapide des symptômes, le manque de soutien et d’explication de la part du corps médical, la solitude et l’affaiblissement du corps. Selon elle, une vague de patients sortant du Covid-19 et développant un syndrome de stress post traumatique (SSPT) est à un craindre à la rentrée 2020 et des dispositifs de prévention et de prise en charge ont déjà été mis en place.
Cependant, si pour le professeur Carol North, psychiatre au Texas « les conditions ne sont pas réunies pour parler de traumatisme » il serait plus juste de parler d’une hausse des états de stress et d’anxiété chronique. Le docteur Noel Pommepuy, pédopsychiatre en Seine-Saint-Denis rejoint ce constat, le développement de SSPT n’a pas encore été réellement observé, par contre, il remarque un état de stress généralisé avec une hausse des dépressions et bouffées délirantes aiguës en réaction au confinement. Tandis que chez les soignants il est plus fait état de burn-out, épuisement et détachement émotionnel.
Pourquoi avoir pensé que la crise du Covid-19 aurait pu être à l’origine d’une vague de patients en SSPT ?
Pour répondre à cette question il faut revenir sur l’évolution de cette pathologie. Avant que le SSPT ne s’installe, la personne face à une situation potentiellement traumatique passe par une phase aiguë où le stress prédomine. Le stress, selon Crocq, est
une « réaction immédiate, biologique, physiologique et psychologique d’alarme, de mobilisation des ressources et de défense de l’individu face à une agression ou une menace ». Ce sont les réactions à ce stress, si elles sont adaptées ou non ou si la personne
reste bloquée trop longtemps (plus de 2 jours) en état de stress qui peut entrainer le développement d’un syndrome de stress post-traumatique.
Et nous avons vu que si les chercheurs et professionnels de santé mental ne s’accordent pas encore sur l’apparition de SSPT suite au Covid-19, ils remarquent tout de même que nous vivons actuellement dans une période de stress avec un fort impact sur la santé mentale.
Mais au fait, qu’est-ce qu’un syndrome de stress post-traumatique ?
Le SSPT est caractérisé par trois symptômes prédominants ; la dissociation (soit une anesthésie émotionnelle, sensorielle et physique, comme une déconnection à soi) les reviviscences (souvenirs intrusifs de l’évènement traumatique) et une activation
neurovégétative persistante. Cette dernière comprend des symptômes tels que des troubles anxieux et/ou dépressifs, des troubles du sommeil et/ou de l’alimentation, une hyper-vigilance, etc.
En d’autres termes, le traumatisme affecte profondément le corps et de nombreux symptômes chez les individus traumatisés ont une base somatique.
Est-il possible de sortir du SSPT ?
Pour passer au-delà d’un trauma, il nous parait alors important de travailler avec et sur le corps, d’où les thérapies d’approche psycho-corporelle telles que la Somatic Experiencing de Peter A.Levine ou la psychothérapie sensori-motrice de Pat Ogden. Ces
deux approches ont pour point commun qu’elles traitent les réactions sensori-motrices (sensations corporelles) non assimilées et engendrées par le trauma. L’objectif, dans un premier temps, est de faire la distinction entre les sensations physique et les émotions d’origine traumatique. Quand la personne régule elle-même son excitation à travers le traitement au niveau sensori-moteur, elle peut parvenir à distinguer plus précisément les réactions cognitives et affectives qui sont symptomatiques de celles qui sont de véritables difficultés qu’elle devra élaborer. Selon le postulat de ces approches corporelles, l’intégration et le dépassement du trauma passe d’abord et avant tout par son apaisement dans le corps.
Ces thérapies seraient indiquées pour les personnes ayant été en réanimation ou sortant du coma suite au virus parce que ce qu’elles ont vécu a profondément touché leur corps et leur contrôle d’elles-mêmes. Les patients de Chantal Danoun expriment un désarroi total et l’impression de n’avoir été qu’un corps branché à des machines, un corps devenu faible et nécessitant une rééducation. En plus de séquelles possibles, ces patients doivent faire face à une réappropriation de leur propre corps.
En conclusion, à l’heure actuelle, l’étendue des répercussions de la crise du Covid-19 sur la santé mentale est encore mal connu. Les recherches n’en sont qu’à leur balbutiement et l’évolution de l’impact traumatique ainsi que l’installation d’un trouble
d’anxiété chronique sur la population restent à surveiller.
Sources biblio :
- Cours psychopathologie de M1
- La psychothérapie sensorimotrice : une méthode de traitement des souvenirs
traumatiques de Pat Ogden et Kekumi Minton. - La dissociation traumatique et les troubles de la personnalité : ou comment devient-on
étranger à soi-même de Muriel Salmona - Somatic Experiencing : le corps se souvient de tout de Peter A.Levine
Sources web :
-https://www.france-assos-sante.org/2020/07/02/stress-post-traumatique-apres-unereanimation-
pour-covid-19/
-https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/coronavirus-attention-au-stress-postcovid-
1200893
-https://destinationsante.com/covid-19-une-anxiete-chronique-a-venir.html
-https://www.psychologies.com/Actualites/Sante-mentale/Une-etude-internationalepour-
evaluer-l-impact-traumatique-du-Covid-19